Sommaire
Préface
Quittez un monde bon
Vivre la foi dans le siècle
Présence de l’Église au monde
Église en dialogue avec le monde
Itinérance : une quête du sens
- Servitude et libération
. Accablement
. Conversion
. Mission
. Renommée
. Discernement
. L’agneau et le pain
. Communauté de destin
. Libérations
. Chemins de la liberté
. Dialectique historique
. Lutte finale
. Accomplissement
- Dieu contesté par Job
Croire au-delà des perplexités
En écoutant l’Alléluiah d’Hændel
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Conversion
Deux moments peuvent être distingués : en Égypte (versets 11 à 15) et au pays de Madian (versets 16 à 25).
En Égypte
« Moïse » est le nom donné par la princesse égyptienne au petit enfant « retiré des eaux » (Ex 2:10). En égyptien, « mosche » signifie « fils », dans un jeu de mots, puisque « meschitihu » exprime aussi un sauvetage (je l’ai retiré, sauvé…). Voici tout un programme, une mission plutôt : un homme délivré, retiré des eaux, deviendra instrument de libération.
Même libérateur, par quel cheminement ? On peut relever plusieurs analogies : entre les noms de « Moïse » (fils, sauvé) et de « Jésus » (fils, sauveur) ; entre les situations de ces deux hommes : tous les deux ont été sauvés avant de devenir des libérateurs, Moïse a été sauvé des eaux du Nil et Jésus du massacre d’Hérode. Autre analogie, la tentation de Moïse (Ex 2:11-15) et celle de Jésus (Lc 4:1-13). Moïse a été témoin des rudes travaux des hébreux (Ex 2:11), comment faire cesser cette insupportable oppression ? Moïse sera tenté de s’imposer comme « chef et juge » (Ex 2:14), tentation de l’autorité du pouvoir, tentation pharaonique. De la même manière, à travers les tentations de Jésus, le sauveur et libérateur des hommes devait, pour les sauver, cesser d’être homme en s’affirmant « fils de Dieu ».
Au pays de Madian
Moïse y apparaît comme un défenseur et un libérateur (Ex 2:17 ; 19), et non plus comme « chef et juge » imposant son autorité libératrice par un pouvoir : il est simple homme, offrant à l’autre (en l’occurrence les sept filles du prêtre de Madian) une possibilité d’exister. Il y révèle l’autorité de l’amour qui se livre, s’offre, afin que l’autre puisse s’épanouir et accomplir librement son existence quotidienne. En Égypte, Moïse avait dû fuir, s’aliéner ses frères qu’il avait voulu libérer ; au puits de Madian, en s’offrant lui-même, il reçoit une possibilité de se réaliser en tant qu’homme.
Le nom qu’il donne à son fils (Guershom) indique que Moïse est désormais enraciné (Ex 2:21) quelque part. Cet enracinement, même en terre étrangère, le fait exister, lui fournit une identité. De la même manière Jésus, après avoir surmonté la tentation du désert, demeurera « homme pour les hommes ». Ainsi, il se manifestera comme le libérateur des hommes.
Cependant, cet enracinement en pays étranger n’est pas pour Moïse un « embourgeoisement » (Ex 2:23-25) ; il est en attente d’un combat à venir, car Israël est toujours esclave. Pour Israël, Moïse au pays de Madian fait l’apprentissage de l’humanité.
L’évangile de ce texte apparaît dans le mouvement intérieur de transformation, de conversion, de Moïse qui, de « chef », devient « serviteur ». La tentation du chef, de l’homme fort qui détient la puissance et les réponses, est maintenant dépassée. Moïse est entré au service de l’homme, ne possédant rien d’autre que sa propre existence à offrir comme possibilité d’être de l’autre.
Comment le pouvoir et une certaine manière d’avoir la réponse à la vie des hommes peuvent-ils devenir l’obstacle (le « diable ») à la libération des hommes d’aujourd’hui (même et surtout quand il s’agit de l’Église) ? Comment, aujourd’hui, devenir des hommes pour et avec les hommes, et non des « fils de Dieu » qui détiennent la science du devenir et du bonheur humains ?
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